Le traitement de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est jalonné de nombreux obstacles, dont la plupart sont des conséquences ajoutées par les autres comorbidités telles que le diabète. Ce trouble métabolique est non seulement responsable d’une plus grande incidence de l’AOMI, mais entraine également une morbidité et un risque accru de complications pour le patient. Dans de nombreux cas, seules des méthodes chirurgicales invasives sont en mesures d’éviter cela.
En 2015, les estimations faisaient état de 236,62 millions des personnes atteintes d’AOMI (artériopathie oblitérante des membres inférieurs), tandis que la même année, les chiffres des patients diabétiques atteignaient 415 millions. Ces deux données sont considérablement plus élevées qu’elles ne l’étaient 5 années auparavant [1, 2]. En 2010, il existait 202 millions de patients atteints d’AOMI et 285 millions d’individus diabétiques [3, 4]. Les projections pour les années à venir indiquent sans surprise que la tendance se poursuivra, d’une part pour l’AOMI (et pas uniquement à cause de l’augmentation de la prévalence des comorbidités et des facteurs de risque modifiables qui lui sont associées, mais également à cause du vieillissement général de la population), et d’autre part pour le diabète. Les estimations vont jusqu’à 693 millions d’individus diabétiques à l’horizon 2045 [3, 5].
Parmi les diverses complications du diabète et de l’AOMI, la claudication intermittente arrive en premier. Il s’agit du symptôme le plus classique de l’AOMI. Les hommes diabétiques sont par exemple 3,5 fois plus à risque d’AOMI que les non-diabétiques. Du côté des femmes, les patientes diabétiques sont 8,6 fois plus à risque [6]. Malheureusement, à cause de la neuropathie diabétique. la claudication est un symptôme qui peut être absent chez les diabétiques et il est donc facile de passer à côté du diagnostique de l’AOMI.
En plus de la neuropathie diabétique, il existe une autre pathologie reliée au diabète qui peut fausser le diagnostic de l’AOMI. Il s’agit de la sur la médiacalcose artérielle qui entraine des artères incompressibles. C’est une pathologie que l’on peut également retrouver chez les insuffisants rénaux et et les patients ave une polyarthrite rhumatoïde) [7, 8, 9]. Ce trouble peut empêcher l’évaluation de l’indice de pression systolique (IPS), la méthode de dépistage la plus courante du fait de sa simplicité et de son caractère économique, surtout lorsqu’elle est réalisée avec un appareil automatique de diagnostic oscillométrique-pléthysmographique [10, 11].Chez ces patients, il existe une alternative : l’indice de pression systolique à l’orteil (IPSO ou encore pression au gros orteil PGO). Malheureusement, peu d’établissements médicaux disposent d’appareils de diagnostics adaptés, ce qui retarde la prise en charge de l’AOMI [12].
Le diabète est, quant à lui, à la fois une cause d’ulcération des membres inférieurs et également un facteur externe perturbant le processus de guérison des plaies. La majorité (72 %) des ulcères des membres inférieurs sont dus à uneinsuffisance veineuse chronique (IVC), 10 à 30 % d’entre-eux sont causés par l’AOMI [13, 14]. Cependant, les ulcères (neuropathiques) diabétiques peuvent avoir une étiologie différente : 35 % d’entre-eux sont purement neuropathiques, 15 % sont de nature ischémique et le reste (50 %) sont neuro-ischémiques [15].
Des ulcères non traités associés à une AOMI sous-jacente peuvent rapidement progresser au stade de la gangrène et de l’ischémie critique des membres (ICM) ; le pronostic est alors extrêmement grave. Les patients atteints d’ICM ont des taux d’amputation très élevés, situés entre 10 et 40 % 6 mois après le diagnostic initial. Quant au taux de mortalité, il se situe aux environs de 20 % à 6 mois, puis 50 % à 5 ans [16, 17, 18, 19, 20]. Les patients également atteints de diabète (entre 50 et 76 % des patients souffrant d’ICM sont aussi diabétiques) font généralement face à des complications encore plus graves [21, 22, 23]. Le diabète, chez les patients atteints d’AOMI ayant subi une chirurgie vasculaire (revascularisation), est associé à un risque de complications et à une sévérité de ses complications plus élevés ; il s’agit du sujet de cet article [24].
Toute prise en charge et traitement de l’AOMI (avec revascularisation ou non) devrait inclure la gestion et la prise en charge des facteurs de risque modifiables (style de vie) et non-modifiables, plus spécifiquement le diabète. Des études ont démontré qu’une réduction du risque secondaire (une modification du style de vie ; à savoir l’arrêt du tabagisme, un maintien à un poids de forme, une activité physique régulière, etc.) aide les patients atteints d’AOMI et de diabète à mieux se rétablir suite à une opération de revascularisation [25]. La prise en charge de l’hyperlipidémie, de l’hypertension et la diminution du risque de thrombose constituent d’autres exemples de traitements conservateurs [26, 27, 28, 29, 30, 31]. De l’autre côté du spectre se situe l’approche invasive (revascularisation) qui se répartit en 2 catégories distinctes : le traitement endovasculaire et la chirurgie ouverte.
Le traitement endovasculaire constitue souvent l’alternative retenue par rapport à la chirurgie ouverte (pontage vasculaire), en raison d’un plus faible taux de complications. Cependant, il présente un taux plusa bas de réussite chez les patients atteints de formes sévères d’AOMI (grande probabilité de resténose ) et chez ceux nécessitant une revascularisation d’urgence [32]. Cette méthode convient au traitement des lésions aorto-iliaques, et plus particulièrement les plus courtes (moins de 5 cm), mais également des lésions fémoro-poplitée (moins de 25 cm car les lésions plus longues bénéficient de meilleurs résultats lorsqu’elles sont traitées via un pontage), les lésions sténotiques et les courtes occlusions des artères sous-gonales [33, 34].
Les procédures endovasculaires les plus courantes (pour le traitement de l’AOMI) sont l’angioplastie par ballonnet et les endoprothèses, suivie par une artériotomie. L’angioplastie par ballonnet est de nos jours rarement utilisée en tant que traitement à part entière. La méthode est cependant souvent employée avant l’installation d’endoprothèses [35]. Les ballonnets à libération de principes actifs (ballonnets recouverts d’une solution anti-proliférative) représentent une exception notable et disposent de plusieurs avantages anatomiques par rapport aux ballonnets classiques, non-recouverts de principes actifs. Malheureusement ces avantages sont grandement réduits chez les patients atteints d’une forme très avancée de l’AOMI [36]. Les endoprothèses à libération de principes actifs constituent une autre solution et présentent de nombreux avantages (meilleurs taux de perméabilité) que les ballonnets à libération de principes actifs sur un plus grand laps de temps (36 mois) après l’opération (chez les patients avec une AOMI présente dans la région fémoro-poplitée) [37].
Dans un second temps, l’artériotomie est une procédure complètement différente (par rapport à l’angioplastie par ballonnet et aux endoprothèses) dans la mesure où elle implique de physiquement retirer la plaque d’athérosclérose au lieu de simplement la « mettre de côté ». Il existe différents types d’appareils d’artériotomie sur le marché ; on peut les diviser en 4 catégories différentes (en fonction de leur mécanisme d’action) : l’artériotomie directionnelle, l’artériotomie orbitale, l’artériotomie par rotation et l’artériotomie artério-ablative [38]. Les trois premières procédures impliquent d’introduire des outils abrasifs / de coupe miniatures dans l’artère à travers un cathéter pour retirer la lésion ciblée. L’artériotomie artério-ablative emploie quant à elle les principes de photo-ablation grâce à un laser. Toutes ces approches présentent des taux de perméabilité et des probabilités de complications comparables, même si l’artériotomie laser présente un léger avantage supplémentaire d’un point de vue des taux de dissection des vaisseaux inférieurs et des taux de perforation [39].
Malgré les quelques avantages non-négligeables que présente le traitement endovasculaire, certains patients (notamment ceux atteints d’ICM) peuvent nécessiter un recours au pontage. Du fait de son caractère très invasif comparé aux procédures endovasculaires, la chirurgie du pontagea de plus grands risques de complications, y compris de mortalité. Cette méthode devrait donc uniquement être employée dans les cas où ses avantages l’emportent sur ses risques [40]. Des patients à risque faible (concernant les complications post-opératoires) présentant des lésions importantes et des occlusions à plusieurs endroits constituent par exemple de bons candidats pour cette procédure [41].
Diagnostiquée à un stade précoce, l’AOMI peut souvent être prise en charge de manière efficace par une réduction des risques secondaires et à travers le traitement de l’athérosclérose sous-jacente grâce à des moyens pharmaceutiques. Ces méthodes se révèlent moins efficaces pour le traitement de stades avancés de l’AOMI et peuvent alors être uniquement utilisées en tant que thérapies complémentaires à la revascularisation.