L’ulcération des membres inférieurs est un phénomène décourageant, non seulement à lui seul, mais également en tant que symptôme de pathologies sous-jacentes encore plus sévères. L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) constitue un bon exemple et peut, si elle n’est pas traitée à temps, se manifester par des ulcères d’insuffisance artérielle particulièrement difficiles et coûteux à traiter.
Les ulcères d’origine artérielle ne sont pas les ulcères des membres inférieurs les plus courants d’ulcères (10 à 30 % de tous les cas d’ulcères de la jambe). Ils occupent une lointaine seconde place au classement, derrière les ulcères de type veineux (soit 72 % de tous les cas d’ulcères de la jambe)(1). Toutefois, même si ils sont plus « rares », ils sont plus difficile à traitement et entraîne un coût plus élevé des procédures d’intervention. Une étude menée aux États-Unis sur les coûts de traitement des plaies chroniques en 2014 a révélé un coût moyen de traitement par patient de 9 105 dollars (2). Le traitement des ulcères veineux coûte quant à lui seulement 1 252 dollars par patient (2).
La raison de cette différence importante de coût repose sur le mécanisme physiopathologique sous-jacent : la maladie veineuse chronique (MVC) et l’AOMI. La MVC constitue un trouble veineux relativement courant qui touche jusqu’à 83,6 % de la population mondiale dans la tranche d’âge 35 à 65 ans, et peut se manifester par des pathologies plutôt bénignes telles que des télangiectasies, ou par des troubles plus sérieux comme l’insuffisance veineuse chronique (IVC) et par les ulcères veineux qui en découlent (3). En revanche, l’AOMI est une maladie cardiovasculaire grave et complexe dans pratiquement toutes ses formes, dont la sévérité et les complications peuvent être décuplées par des comorbidités telles que le diabète (4). En outre, l’AOMI est souvent asymptomatique, car seulement 10 % des patients présentent des symptômes classiques (à savoir une claudication intermittente) (5). Heureusement, il existe une manière simple et rapide de diagnostiquer l’AOMI, qui présente l’avantage supplémentaire de différencier les plaies veineuses des plaies artérielles.
Les plaies artérielles comme les ulcères veineux nécessitent un traitement, mais les méthodes thérapeutiques diffèrent suivant l’étiologie de la plaie et peuvent parfois se révéler totalement incompatibles. La prise en charge des ulcères veineux consiste généralement en une combinaison de repos alongé, de surélévation des jambes et de compression médicale, tandis que les cas les plus sévères nécessitent une intervention chirurgicale (6). La méthode de prise en charge la plus couramment utilisée est la compression médicale, qui est généralement bien tolérée par le patient et empêche l’apparition de nouveaux ulcères veineux. Toutefois, elle n’est pas sans inconvénients : les patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive tolèrent difficilement la compression médicale, tout comme ceux atteints de neuropathie périphérique. D’autre part, la compression médicale forte est complètement contrindiquée en cas d’AOMI (7).
La différenciation des deux types d’ulcères sur la seule base de l’apparence visuelle et d’un précédent diagnostic de MVC ou d’AOMI est une approche irresponsable et dangereuse, qui mène invariablement à un traitement inadapté et peut mener à des plaintes pour faute professionnelle. La mesure de l’IPS est nécessaire et présente l’avantage d’évaluer la sévérité de l’AOMI ainsi que la viabilité de la compression médicale.
Il existe deux méthodes établies pour mesurer l’IPS, l’une impliquant l’utilisation d’une sonde Doppler et d’un sphygmomanomètre, et l’autre d’un appareil de diagnostic oscillométrique-pléthysmographique. La première méthode est fiable et précise, mais seulement lorsqu’elle est réalisée par un examinateur compétent, et même dans ce cas de figure, elle peut prendre jusqu’à 30 minutes (8). Un appareil de diagnostic fonctionnant sur le principe oscillométrique-pléthysmographique tel que MESI ABPI MD ou MESI mTABLET ABI constitue une meilleure alternative, dans la mesure où il élimine les risques d’erreur de la part de l’utilisateur et peut réaliser la mesure en 1 minute (9, 10).
Quelle que soit la méthode retenue, l’évaluation de l’IPS est indispensable lors de l’examen des ulcères des membres inférieurs, et avant d’opter pour la compression médicale, et en déterminer son niveau. Mais est-ce vraiment le protocole standard utilisé ? La réponse est malheureusement négative. Au Royaume-Uni, une étude exhaustive a révélé que 40 % des patients souffrant d’ulcères des membres inférieurs n’avaient pas reçu d’évaluation de l’IPS ou qu’aucune trace de l’enregistrement n’avait pu être retrouvée (11). La même étude a également révélé qu’au moins 31 % des patients souffrant d’ulcères veineux ayant participé à l’analyse ne recevait pas de compression médicale (11).
Les complications découlant d’un mauvais diagnostic ou d’une absence de diagnostic suivi par un traitement inadapté sont nombreuses et il est inutile de les souligner davantage. La valeur diagnostique de l’IPS mérite cependant d’être mise en lumière, car elle va au-delà de son utilité pour le diagnostic de l’AOMI et dans le cadre du soin des plaies. Tout d’abord, elle peut indiquer la présence d’artères incompressibles chez le patient, nécessitant un examen supplémentaire tel que l’évaluation de l’indice de pression à l’orteil (IPSO) (12). Dans un second temps, l’IPS est un indicateur majeur de la santé cardiovasculaire et peut améliorer la précision de la prédiction du risque cardiovasculaire (13).
De nombreux patients peuvent faire l’objet d’une première mesure de l’IPS dans le cadre de l’évaluation de la viabilité de la compression médicale. Il s’agit également d’une opportunité idéale pour évaluer la santé cardiovasculaire du patient dans son ensemble, prendre note du score de l’IPS et saisir les données dans le dossier médical du patient, ou envoyer immédiatement les informations au médecin traitant. Dans la pratique, cela ne se passe généralement pas comme cela, dans la mesure où les spécialistes du soin des plaies ou de la compression médicale n’ont parfois pas accès au dossier du patient, ou oublient de transmettre les résultats par un autre biais. Un système de dossier patient informatisé (DPI) permettant le partage simple de données, voire même directement intégré à un appareil de diagnostic élimine ces problèmes ainsi que d’autres obstacles associés à la communication entre les professionnels de santé.
La formulation d’un traitement adapté à unulcération des membres inférieurs avec une compression médicale devrait invariablement reposer sur une évaluation de l’IPS pour le diagnostic de l’AOMI, l’évaluation de sa sévérité, pour différencier les ulcères d’origine veineuse ou artérielle, ou d’étiologie mixte.
Les caractéristiques de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI).