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Les 20 questions à poser à un patient atteint d’IRC pour évaluer le risque d’AOMI


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Les patients atteints d’insuffisance rénale chronique (IRC) sont davantage à risque pour les maladies cardiovasculaires (MCV) et les risques de mortalité associés. Parmi celles-ci se trouve l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), qui est non seulement souvent asymptomatique, mais peut également se révéler difficile à diagnostiquer à l’aide de méthodes de diagnostic standards chez les patients souffrant d’IRC.

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En 2015, 236,62 millions d’individus étaient atteints d’AOMI dans le monde (artériopathie oblitérante des membres inférieurs). Ce chiffre est susceptible de continuer à augmenter dans un futur proche, principalement à cause du vieillissement général de la population et de l’augmentation des risques cardiovasculaires [1]. La même année, les estimations faisaient état de 415 millions de diabétiques dans le monde [2]. Or ces 2 pathologies sont souvent reliés.

Tout d’abord, le diabète constitue un facteur de risque significatif de l’AOMI, et a des effets aggravants  sur le développement de cette pathologie, sur sa sévérité ainsi que sur le risque de complications. Dans un second temps, il faut évoquer l’effet « dissimulant » d’une des complications du diabète lors du diagnostic de l’AOMI par mesure des indices de pression systolique (IPS). Enfin, le diabète est le plus grand dénominateur commun entre l’IRC et l’AOMI (en plus de l’hypertension) [3].

L’étude de Framingham a révélé qu’au moins 20 % des patients atteints de diabète souffrent également d’AOMI. Cependant ce taux de prévalence est surement sous-estimé [4]. En effet cette étude ne présente que les patients atteints d’une forme symptomatique de la maladie et ne tient pas compte la nature souvent asymptomatique de l’AOMI (que ce soit chez les individus diabétiques ou non-diabétiques). Seuls 10 % de tous les patients atteints d’AOMI présentent des symptômes classiques (claudication intermittente), contre 40 % de personnes atteintes d’une forme asymptomatique de la maladie. Les patients restants présentent quant à eux des symptômes atypiques qui peuvent être attribués à d’autres maladies [5, 6]. D’un autre côté, les diabétiques sont particulièrement à risque de la claudication intermittente : les hommes ont un risque 3,5 fois plus élevé, tandis que les femmes sont 8,6 fois plus à risque, par rapport aux patients non-diabétiques de chaque sexe respectif [7].

De plus, au moins 50 % (certaines estimations vont jusqu’à 76 %) des patients atteints d’ischémie critique des membres (ICM), la forme la plus sévère et la plus avancée de l’AOMI, souffrent également de diabète et avec un taux d’amputations des membres inférieurs et de la mortalité beaucoup plus élevés [8-10]. Plus spécifiquement, les taux d’amputation se révèlent 5 à 15 fois plus élevés chez les individus atteints des deux pathologies, comparés à ceux des patients souffrant seulement de l’AOMI [11]. D’autre part, les diabétiques pour lesquels une chirurgie vasculaire ou une intervention endovasculaire est indiquée subissent davantage de complications et souffrent de plus graves répercussions, notamment s’ils ne surveillent pas suffisamment bien leur glycémie [12].

La neuropathie (diabétique) et les artères incompressibles figurent parmi les nombreuses complications du diabète sur le système cardiovasculaire et (directement ou indirectement) sur l’AOMI. La prévalence de la (poly)neuropathie diabétique à l’échelle d’une vie est aux alentours de 50 %. Les douleurs et inconforts liés à cette pathologie peuvent facilement être confondus avec une claudication intermittente causée par une neuropathie périphérique, un trouble également courant chez les patients atteints d’AOMI [4, 13-15].

La neuropathie périphérique est également associée à la médiacalcose (artères incompressibles). La médiacalcose est associée à un taux élevé de morbi-mortalité par maladie coronarienne (MC) ou autre origine cardiovasculaire, ainsi qu’à un risque accru d’amputation et d’AVC [16, 17]. En ce qui concerne l’AOMI, les artères incompressibles empêchent l’évaluation de l’IPS, en génèrant des scores anormalement élevés (généralement supérieurs à 1,4) et rendent l’intérêt de la mesure des des IPS limitépour le diagnostic de l’AOMI [18, 19]. La solution (comparable, y compris en termes de coût) est la mesure  des indices de pression à l’orteil (IPSO) dans la mesure où les artères des orteils sont rarement touchées par la calcification [20].

Les individus atteints d’IRC (mais également ceux souffrant de polyarthrite rhumatoïde) peuvent également présenter des artères incompressibles [21]. Cela nous amène à la présentation de l’interaction entre diabète, IRC et AOMI : la contribution du diabète au développement de l’IRC et de l’insuffisance rénale terminale (IRT). La maladie rénale se développe chez environ 40 % des diabètiques et constitue la première cause d’IRC au monde. C’est un contributeur de premier plan au risque de mortalité cardiovasculaire toutes causes confondues chez les diabétiques [22, 23]. Plus spécifiquement, les patients atteints d’AOMI et d’insuffisance rénale sont plus susceptibles de nécessiter des interventions distales et de présenter des infections menaçant leurs membres, par rapport aux individus non touchés par l’insuffisance rénale [24, 25]. En outre, les patients présentant une insuffisance rénale et une AOMI (environs 24 % d’entre-eux) ont des taux de mortalité bien plus élevés que ceux présentant aucune ou que l’une des ces 2 pathologies  [26, 27].

Quelles questions devrait poser un néphrologue à chacun de ses patients ?

Le dépistage de l’AOMI chez les patients atteints d’IRC devrait être systèmatique  étant donné la prévalence écrasante des différentes comorbidités. Ce dépistage est simple grâce au appareil automatique de diagnostic oscillométrique-pléthysmographique. Cette méthode est plus rapide et élimine les risques d’erreurs humaines par rapport à l’utilisation manuelle d’une sonde Doppler couplée à un sphygmomanomètre [28-30]. Cependant, comme mentionné précédemment, cette procédure peut ne pas être adaptée aux patients présentant des artères incompressibles, qui nécessitent le recours à l’examen de l’IPSO. La mesure des IPSO convient également particulièrement aux patients souffrant d’ulcères douloureux [31-33].

Malgré son faible coût, sa facilité d’utilisation (par rapport à l’echographie par exemple) et son utilité clinique prouvée, ces outils de diagnostic modernes sont souvent absents des cabinets et de cliniques. L’examen physique reste une alternative malgré ses inconvénients et son manque de fiabilité même chez  le praticien le plus expérimenté [34]. Un questionnaire détaillé permettant d’aborder les facteurs de risque connus de l’AOMI, y compris ceux spécifiques aux patients atteints d’IRC, constitue un outil plus précieux. En voici un exemple ci-dessous.

Liste de questions pour évaluer le risque relatif d’AOMI chez les patients atteints d’IRC :

1. L’âge. Quel âge a le patient en question ?

Les patients plus vieux (généralement au-delà de 50 ans) présentent des risques d’AOMI plus élevés, dont la forme peut être asymptomatique [35].

2. Ethnicité. Dans la plupart des cas, la réponse est évidente.

Il existe des écarts statistiques conséquents de la prévalence de l’AOMI et de sa morbidité chez des individus issus de différents groupes ethniques. Des études ont révélé que les individus afro-américains présentent des risques plus élevés de développer une AOMI par rapport aux personnes caucasiennes [36].

3. Genre. Également évident.

Certaines études ont indiqué une plus grande prévalence de l’AOMI (et notamment de ses formes les plus sévères) chez les femmes par rapport aux hommes [37].

4. Tabagisme. Le (la) patient(e) fume-t-il (elle) (fumeur actif), et combien de cigarettes fume-t-il (elle) ou combien en a-t-il (elle) fumé dans sa vie (est un ancien fumeur) ?

Les fumeurs actifs ont des risques beaucoup plus élevés de développer une AOMI [38]. L’association entre le tabagisme et l’AOMI est particulièrement forte chez les fumeuses, dont le risque de développer la maladie est 20 fois plus élevé que les femmes n’ayant jamais fumé [39]. Les informations sur les antécédents de tabagisme sont aussi importantes : les bénéfices de santé liés à l’arrêt de la cigarette ne sont pas aussi significatifs pour l’AOMI, dans la mesure où les anciens fumeurs présentent un risque 2,6 fois plus élevé de développer la maladie (par rapport aux non-fumeurs) [40].

5, Diabète. Le patient est-il atteint de diabète de type 1 ou 2 ?

L’hyperglycémie causée par le diabète augmente de manière drastique les taux d’incidence et de prévalence de l’AOMI [4].

6. Diagnostic existant de maladie coronarienne (MC). Le patient est-il atteint de MC ?

Une MC existante (diagnostiquée) peut indiquer une artériosclérose possible dans d’autres sites vasculaires ; les taux de prévalence de l’AOMI chez les patients atteints de MC sont compris entre 22 et 42 % [41-43].

7. Antécédents d’infarctus du myocarde (IDM), d’AVC, ou d’accidents ischémiques transitoires (AIT). Le patient a-t-il reçu un diagnostic d’IDM, d’AVC ou d’AIT ?

Les antécédents d’IDM et d’événements cérébrovasculaires sont associés à de plus hauts taux de prévalence de l’AOMI, souvent dans sa forme asymptomatique (diagnostic basé sur l’IPS) [44-46].

8. Diagnostic d‘insuffisance rénale chronique (IRC). Le patient a-t-il reçu un diagnostic d’IRC ou d’insuffisance rénale en général (la réponse est évidente si le patient est déjà suivi par un néphrologue) ?

Les individus souffrant d’insuffisance rénale sont 9 fois plus susceptibles d’avoir un score IPS anormal (défini comme un IPS inférieur à 0,9 et indicateur d’une AOMI) [47].

9. Diagnostic de polyarthrite rhumatoïde. Le patient a-t-il déjà reçu un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde ?

Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde sont plus à risque d’avoir des artères incompressibles, excluant ainsi l’utilisation de certaines méthodes de diagnostic de l’AOMI [21].

10. Diagnostic d’artères incompressibles. Le patient souffre-t-il d’artères incompressibles ? (cela ne constitue pas réellement une question pour le patient, dans la mesure où il est peu probable que le patient dispose de cette information. Il incombe donc au praticien, ou au néphrologue, de déterminer sa présence).

La présence d’artères incompressibles est fort probable chez les personnes ayant répondu par OUI à la 5ème, 8ème et 9ème question. Le praticien doit considérer cela comme un signe d’alerte, lui indiquant d’employer des méthodes de diagnostic différentes de l’IPS (telle que l’IPSO).

11. Diagnostic de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Le patient a-t-il déjà reçu un diagnostic de BPCO ?

Les patients atteints de BPCO ont 2 fois plus de risques de développer une AOMI [48].

12. Hyperlipidémie. Le patient présente-t-il des niveaux anormalement élevés de lipides (lipoprotéines) ?

Des niveaux anormaux de lipides et de lipoprotéines dans le sang peuvent impliquer le développement d’une AOMI [49].

13. Hypertension. Le patient souffre-t-il d’hypertension ou reçoit-il un traitement pour de l’hypertension ?

L’hypertension est un facteur de risque connu de l’AOMI (ainsi que d’autres MCV) [50].

14. Poids. Le patient présente-t-il un poids inférieur, ou supérieur à la moyenne pour sa taille et son sexe ?

Le poids constitue un facteur de risque de l’AOMI (et de nombreuses autres pathologies) [51].

15. La claudication intermittente. Le patient éprouve-t-il de la douleur lorsqu’il réalise tous types d’activité physique, y compris la marche ? La douleur se calme-t-elle après une période de repos ? Où (zone de la jambe) la douleur se situe-t-elle ?

Vous pouvez utiliser le questionnaire de claudication d’Édimbourg pour mieux diagnostiquer la claudication intermittente sur la base des sensations éprouvées par le patient pendant un exercice physique et pendant le repos [52].

16. Pieds ou jambes froids. Le patient éprouve-t-il des sensations de froid dans la (les) jambe(s) ou pied(s) alors que les autres parties de son corps sont normalement chaudes, ou que la température ambiante est suffisante ?

Un flux sanguin réduit mène à des perturbations dans la thermorégulation normale.

17. Peau squameuse de teinte pâle ou bleutée et ongles de pied déformés. Le patient présente-t-il une peau dont la texture ou la couleur est anormale, et/ou souffre-t-il d’ongles de pied déformés ?

L’occlusion des artères des membres inférieurs réduit le flux de nutriments vers la peau et les ongles des pieds, ce qui peut provoquer des retards de croissance ou des malformations. Pâleur possible dans la jambe touchée lorsque celle-ci est en position surélevée [53].

18. Plaies ouvertes et lésions. Le patient présente-t-il des plaies de quelque type que ce soit ou des dommages tissulaires sur ses jambes ou ses pieds qui guérissent très lentement, pas du tout, ou a-t-il souffert d’ulcères ayant déjà guéris ?

Les plaies et lésions ouvertes généralement présentes sur les pieds du patient, à savoir des ulcères d’insuffisance artérielle (ulcères ischémiques), constituent un autre signe de l’AOMI, par ailleurs typique de la forme avancée de la maladie. Ils peuvent être semblables aux ulcères veineux, dont le mécanisme physiopathologique et le régime de traitement sont très différents, ce qui nécessite l’utilisation de méthodes de diagnostic modernes pour les différencier (IPS ou IPSO) [54].

19. Dysfonction érectile (hommes). Le patient souffre-t-il de dysfonction érectile ?

Le diagnostic de la dysfonction érectile implique un risque doublé de la présence d’une AOMI [55].

20. Antécédents familiaux. Le patient a-t-il des membres de sa famille atteints, ou ayant été atteints d’AOMI ?

Les patients dont un ou plusieurs membres de la famille est / ou a été atteint d’AOMI sont 2 fois plus à risque que ceux sans les mêmes antécédents familiaux [56].

Un questionnaire détaillé conçu pour les néphrologues pour un dépistage préventif de l’AOMI chez les patients atteints d’IRC constitue un outil précieux. Il ne doit cependant pas se substituer à des méthodes de diagnostic modernes. Si vous soupçonnez une AOMI potentielle suite aux réponses données par le patient, il est conseillé de réaliser une évaluation de l’IPS ou de l’IPSO.