Le diabète sucré est un trouble métabolique complexe, ou plus précisément un ensemble de troubles, qui touchent de nombreux organes et causent des effets profondément négatifs sur la santé et la mortalité des patients. Son traitement et sa prise en charge se révèlent ainsi difficiles et, dans de nombreux cas, des pathologies souvent asymptomatiques telles que l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) compliquent encore davantage les choses.
Il existe une association bien établie entre le diabète et une myriade de maladies cardiovasculaires (MCV), tout comme les effets délétères supplémentaires du diabète en matière d’apparition, de sévérité et de mortalité des MCV (qui constituent une cause majeure de décès) [1, 2]. Plus spécifiquement, les patients diabétiques (en particulier ceux atteints du type 2, même s’il existe de plus en plus de patients concernés atteints du type 1) sont davantage sujets à l’obésité, et nombre d’entre-eux souffrent d’hypertension (prévalence entre 10 et 30 % chez les patients du type 1 contre jusqu’à 60 % chez les patients du type 2). Ces deux troubles sont reconnus comme étant des facteurs de risque de MCV [2, 3, 4, 5].
Par ailleurs, les diabétiques présentent un risque de développement de la neuropathie cardiovasculaire autonome (NCA), une grave complication qui apparaît chez environ 25 % des patients atteints de diabète de type 1, et chez 1 patient sur 3 souffrant du type 2. Cette pathologie est associée à une mortalité accrue et à un risque encore plus élevé d’ischémie silencieuse du myocarde. La NCA représente également un indicateur du développement potentiel d’un AVC [6].
Le diabète est un facteur de risque majeur pour le développement de la maladie coronarienne (MC), qui représente la plus grande cause de mortalité au monde [7].
Les diabétiques présentent des taux de mortalité plus élevés liés à la MC par rapport aux individus non-diabétiques, ainsi que des taux plus élevés de mortalité, de morbidité et de récidives d’infarctus suite à un infarctus du myocarde (IDM). Les taux de mortalité sur une période de 1 an (à compter du diagnostic) se situent aux environs de 50 % [8, 9]. Plus inquiétant encore, les patients diabétiques présentent des taux bien plus élevés d’ischémie silencieuse du myocarde, ce qui retarde le traitement adapté et rapide de la MC sous-jacente (les taux sont compris entre 10 et 20 % pour les diabétiques, contre seulement 1 à 4 % pour les non-diabétiques [10, 11].
La neuropathie diabétique constitue l’un des facteurs de l’incidence et de la prévalence accrues de l’ischémie silencieuse du myocarde (chez les diabétiques). Elle touche entre 25 et 30 % des patients diabétiques) [12, 13]. Cependant, les effets délétères du diabète sur le système nerveux s’étendent à d’autres parties de l’appareil cardiovasculaire et à d’autres organes, masquant ainsi parfois les symptômes d’autres pathologies qui ne peuvent généralement être diagnostiquées que via d’autres moyens ou méthodes. L’AOMI en est bien évidemment un exemple.
La comorbidité entre le diabète et l’AOMI (ainsi nommée car elle touche principalement les membres inférieurs) est bien connue. Cependant, il subsiste encore des incertitudes concernant la prévalence exacte de l’AOMI chez les diabétiques.
La prévalence du symptôme le plus classique de l’AOMI, à savoir la claudication intermittente, est bien documentée et est estimée 3,5 fois plus fréquente chez les hommes et 8,6 fois plus fréquente chez les femmes diabétiques que chez les patients non diabétiques (en comparaison de chaque sexe respectif) [14]. La prévalence de l’AOMI symptomatique chez les patients diabétiques en général est estimée à 20 % minimum, mais ce chiffre est de toute évidence bien trop bas, dans la mesure ou l’AOMI est le plus souvent asymptomatique [15]. Il convient de noter que seulement 10 % des patients atteints d’AOMI présentent des symptômes classiques, 40 % sont atteints d’une forme totalement asymptomatique de la maladie, et le reste présente des symptômes qui peuvent être attribués à d’autres troubles médicaux [16, 17].
La réponse à cette question est double. La première partie étant la neuropathie diabétique évoquée précédemment ainsi que les difficultés (en l’absence de méthodes de diagnostic modernes) à différencier la nature des douleurs et des inconforts du patient, à savoir si leur origine est vasculaire ou neurologique [18]. La seconde partie de la réponse tient à une utilisation trop marginale de l’examen de l’indice de pression systolique (IPS) pour le diagnostic de l’AOMI [19]. Les raisons derrière cette réalité sont très diverses et vont de l’inexpérience du praticien lors de l’utilisation d’une sonde Doppler pour mesurer l’IPS aux difficultés rencontrées pour mesurer précisément l’IPS chez les patients atteints d’artères calcifiées (un trouble plus courant chez les diabétiques) [20]. La plupart de ces difficultés sont banales et peuvent aisément être solutionnées, en commençant par utiliser un appareil de diagnostic oscillométrique-pléthysmographique pour un examen simple et fiable (un outil pratique pour le dépistage préventif) et en utilisant l’indice de pression à l’orteil (IPO) plutôt qu’un examen de l’IPS [21, 22].
Le diagnostic précoce de l’AOMI chez les patients diabétiques est crucial pour prévenir une kyrielle d’autres graves complications dont la sévérité se trouve aggravée par les effets délétères du diabète sur le processus athérosclérotique. De nombreux patients (environ 50 % d’entre-eux, même si certaines études font état de chiffres allant jusqu’à 76 %) atteints d’ischémie critique des membres (ICM), une forme avancée de l’AOMI associée à une morbidité et à une mortalité élevée, souffrent également de diabète et leur pronostic est bien plus mauvais que les individus seulement atteints d’ICM [23, 24, 25].
Dans ce contexte, les ulcères artériels (insuffisance), communément appelés plaies ischémiques, sont plus particulièrement reconnus comme une des composantes de l’ICM. Il est souvent très difficile de différencier les types d’ulcères chez les patients diabétiques. En effet, certains individus peuvent présenter plus d’un type d’ulcère (artériel, veineux, ou neuropathique-diabétique) [26]. Il est parfois nécessaire d’utiliser d’autres méthodes d’examen, telles que l’IPO [27].
La prise en charge de l’AOMI chez les patients diabétiques est difficile et complexe. Elle est par ailleurs souvent compliquée par la présence d’autres comorbidités comme la MC, l’hypertension et la dyslipidémie diabétique (modifications dans les niveaux de cholestérol sérique et de triglycérides) [28]. Le patient dispose cependant de nombreux leviers pour une réduction des risques de deuxième niveau, comme des changements de son mode de vie, y compris : une perte de poids, l’arrêt du tabagisme, l’exercice d’une activité physique et l’adoption d’un régime alimentaire sain [29].
Les patients atteints de diabète sucré présentent des risques plus élevés de contracter une AOMI et sont de ce fait des candidats de premier ordre pour un examen de l’IPS ou de l’IPO (s’ils sont atteints d’artères calcifiées ou de toute autre pathologie ne permettant pas l’utilisation de l’IPS). Un diagnostic réalisé à temps et une prise en charge globale des deux pathologies sont primordiales pour réduire les complications et diminuer le risque de répercussions néfastes.